Le monde pendant / le monde d'après
Restauration et Covid
Pour mon enquête je suis allée à la rencontre de la restauratrice Marie-Claude. Son restaurant, « Le Café de l’Atelier », est situé place Charles Dullin dans le 18ème arrondissement de Paris. En arrivant, je suis accueillie par une douce musique jazz et une bonne odeur d’épices. Mais une chose cloche… toutes les chaises et les tables sont empilés les unes sur les autres. Il n’y a plus de restaurant, du moins plus d’ambiance de restaurant. En effet, les restrictions sanitaires obligent, l’intérieur et les terrasses sont fermés, seule la restauration à emporter est autorisée. Mais Marie-Claude, bien que la situation soit difficile, ne perd pas espoir.
Marie-Claude tient le café de l’Atelier depuis 45 ans. A 19 ans, elle reprend avec son époux le restaurant de son beau-père. Elle le tient encore aujourd’hui avec toujours autant de ferveur qu’aux premiers jours. Elle ouvre tous les jours sauf le lundi, normalement de 7h00 à 1h45 du matin.
En arrivant, je me fis installer sur une petite table à côté du bar et servir à boire. Pendant un bref instant, je me suis cru un an plus tôt, mais le manque de clientèle me rappela très vite à la réalité. Cependant, l’ambiance été là : un décor de bistrot parisien avec son bar en bois, ses lumières tamisées, sa petite musique jazz de fond, ses grandes affiches de théâtre rappelant que ce café fut avant la crise, la cantine des comédiens du théâtre de l’Atelier, et que des célébrités sont passées par là : Romain Duris, Gérard Darmon, et même d’anciens présidents tels que Nicolas Sarkozy ou encore François Hollande.
Malgré ce manque, Marie-Claude reste active, donne des ordres dans les cuisines, fait des allers et returs dans le restaurant, on ne l’arrête pas ! Cependant, bien que l’espoir soit toujours présent, la fatigue se fait ressentir.
Comme l’ayant indiqué précédemment, elle ouvre habituellement du mardi au dimanche, de 7h00 à 1h45 du matin. Avec la crise sanitaire, elle a dû réduire dans un premier temps ses horaires de 7h00 à 20h00 avec le couvre-feu de 22h, jusque-là cela ne pose pas tellement de problème puisque les gens ont le temps de venir commander. Cependant, avec le couvre-feu de 18h, cela devient trop difficile. Elle fait alors appel à des services à emporter tel que Uber Eat, permettant aux clients de commander jusqu’à 22h, mais elle me fait savoir que cela ne lui plait pas, elle préfère donner sa nourriture en mains propres savoir qu’elle est entre de bonnes mains.
Ayant ouvert la terrasse tout l’été, tant que c’était encore permis, Marie-Claude a pû faire un grand chiffre d’affaires et mettre de côté dans sa trésorerie. Elle me fit part ouvertement que pour le moment, elle avait suffisamment de coté, mais que si les restrictions restaient telles quelles, elle ne pourrait surement pas tenir.
En ce qui concerne la vente à emporter, les clients ne sont pas censés entrer dans le restaurant. Ils attendent alors à l’entrée, sur le côté pour éviter un attroupement (également interdit). Cependant, il faut savoir que le café est un bistrot de quartier, familial, avec une clientèle fidèle, même en temps normal la restauratrice ne compte pas sur le tourisme pour son chiffre d’affaires. Marie-Claude fait alors des exceptions. Je vois des clients fidèles sur le comptoir, mais également une petite table cachée derrière le bar pour quatre personnes âgées se retrouvant toutes les semaines pour le foie de veaux du mardi. On leur sert alors une petit apéritif pour passer le temps. Cela m’a fait plaisir de les voir parler, rire ensemble, si bien que je me suis mise à discuter avec eux. Tous sont du quartier et sont des clients très fidèles. Au début j’étais un peu gênée car je ne voulais pas trop m’approcher, gestes barrières obligent, mais eux ne semblaient pas vraiment s’en inquiéter.
D’ailleurs, l’un d’eux fit une remarque que ne me laissa pas de marbre : « tu vois la Mer Rouge qui s’écarte devant le passage de Moise ? Eh bien moi c’est pareil. Tout le monde s’écarte du trottoir quand je passe ! C’est quand même perturbant parce qu’avant personne ne me remarquait, mais maintenant j’ai l’impression que tout le monde me voit ! au moins je ne me fais pas bousculer, c’est déjà ça ! ».

Je me suis alors vraiment rendu compte, même si je le savais déjà, de la solitude que devait ressentir ces gens et du bien que Marie-Claude leur faisait en les accueillant quand même dans son restaurant. Bien que les discussions soient tournées vers la crise sanitaire, elles n’en restent pas moins conviviales, les gens se font encore la bise, s’enlacent, se serrent la main.
Marie-Claude ne semble pas tellement inquiète, à partir du moment où le retour à la « normale » est dans un futur très proche. Elle sait que sa clientèle reviendra, que les terrasses se rempliront. Elle continuera de mettre à disposition du gel hydro alcoolique et les cartes du restaurant en ligne : on scanne à partir de notre téléphone un code qui nous ramène directement à la carte. Cela évite ainsi la propagation du virus. Il est inconcevable pour elle de voir le restaurant de son enfance fermer ses portes.

Beaucoup de gens pensent que la restauration ne sera plus pareille, qu’il n’y aura plus la même convivialité, mais pendant les journées que j’ai passées dans ce café, je peux attester du contraire : tant qu’il y aura des gens comme Marie-Claude, si passionnés et à l’écoute de leur clients, l’esprit du bistrot ne s’éteindra pas de sitôt.
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Inès Carrière