Le monde pendant / le monde d'après
Le confinement : un mode de vie ?
Le monastère des Clarisses à Lourdes
En Italie, au XIIIe siècle, sainte Claire, proche de saint François d’Assise, fonde l’ordre des Clarisses, dont elle rédige la règle : les Clarisses sont des moniales cloîtrées et contemplatives, bannissant toute propriété.
Le monastère des Clarisses à Lourdes a été fondé en 1877, et compte une quinzaine de sœurs aujourd’hui.
Les moniales vivent en retrait du monde, dans l’espace clos du monastère, suivant la règle édictée au XIIIe siècle.
Elles ne sont cependant pas coupées du monde : le monastère s’intègre dans différents réseaux de liens, avec la ville de Lourdes, l’Eglise, ou plus généralement la société. Le mode de vie des sœurs, de vie commune dans un lieu clos, rythmée par le travail et la prière, n’a pas été ébranlé par la pandémie. Elles l’ont vécue dans les liens qu’elles entretiennent avec le monde.Leur mise en retrait est matérialisée par la clôture (à la fois physique et spirituelle) qui sépare espace sacré et espace profane. C’est à l’intérieur que se construit la vie réglée des sœurs, mise en place depuis plusieurs siècles. S’y établissent d’autres rapports au temps et à l’espace, ainsi qu’au silence.
C’est la clôture qui structure la vie des moniales, et c’est dans cet espace qu’elle prend son sens ; vie désirée et choisie, préparée par le noviciat, décidée lors des vœux.
La claustration est créatrice : elle organise la vie en communauté.
Le groupe a une unité fondamentale : celle de l’appel ressenti, de l’attrait pour la vie religieuse. L’isolement n’a pas sa place dans le monastère, où la vie communautaire est intense : il s’agit de partager le même quotidien, de prier et de travailler ensemble.
C’est le confinement qui fait exister le groupe et « durer la prière ».
Mère Marie Pia : « Je peux dire que j’ai toujours été très heureuse en communauté. Bien sûr, tout n’a pas été linéaire, mais la communauté est une grande force. Même dans notre vie de prière, prier ensemble, c’est énorme. […] La vie communautaire, un proverbe dit que c’est la grande pénitence. Moi, je ne dirais pas ça. C’est la plus grande force. »
Faire corps ensemble est ensuite un travail quotidien. Comme dans tout groupe humain, (qui vit de plus dans le même lieu tout le temps), des conflits existent. Les armes pour les résoudre sont la prière, le travail quotidien, la discussion (des temps et des lieux de parole sont ménagés), le partage spirituel.
Mère Marie Pia : « Notre grande crainte, c’est de ne pas finir ses jours dans la maison. Parce que malheureusement se faire soigner jusqu’au bout au monastère, ce n’est pas évident du tout. Il y a pas mal de moniales qui sont en EHPAD. C’est la grande souffrance : quitter le monastère pour se faire soigner parce qu’on est trop malade. […] Nous, on a choisi d’être toujours ici avec les sœurs.
Puis d’un coup, je suis trop handicapée, et je meurs dehors, je meurs ailleurs.
Ça, pour nous, c’est la plus grande souffrance. Mais enfin… même là, on ne le vit pas dramatiquement. Si on est en clôture, c’est pour Dieu, et Dieu il est partout ! C’est dur, mais ce n’est pas quelque chose qui nous touche au niveau existentiel. Même ça, c’est vécu… oui, dans la paix, dans une certaine paix.
Par rapport au confinement, la souffrance, c’est plus de sortir. (Rires). C’est tout à fait inversé, c’est le contraire. »
Je m’appelle Claire et je suis étudiante en 1ère année.
L’expression « monde d’après » porte une idée de rupture, de passage d’un monde à un autre… Mais est-ce qu’il existe un monde du confinement ? J’ai voulu rencontrer des moniales, qui ont choisi de passer leur vie dans un espace dont elles connaissent la clôture. Comment vit-on dans un lieu clos ? pourquoi ? et surtout : comment vit-on ensemble ? qu’est-ce qui permet au groupe d’exister ?
J’ai passé trois jours au monastère des Clarisses de Lourdes, au cours desquels j’ai pu m’entretenir avec elles et avoir un aperçu de leur quotidien.
Journée d'une clarisse à Lourdes
5h30 : Lever

6h15: Office des lectures (Mâtines). Oraison devant le saint sacrement

7h30 : Chant des Laudes

8h : Un quart d'heure de temps libre

8h15 : Lectio Divina

8h45 : Petit-déjeuner

9h : Chacune va à son travail

Midi : Office de sexte. Repas de midi.

13h35 : Office de none puis temps de détente (récréation)

14h30 : Chacune va à son travail

17h : Messe, Vêpres et chapelet

18h30 : Souper

20h : Office des Complies et adoration

21h : Repos de la nuit (Grand Silence)